Rencontre entre les partenaires des projets AUTOPROT et PROTECOW

Fin octobre 2020, une réunion virtuelle rassemblant les partenaires des projets interreg PROTECOW et AUTOPROT a eu lieu afin d’échanger sur les expériences et les résultats acquis dans le cadre de ces projets qui s’intéressent tous deux à l’autonomie alimentaire des fermes laitières. Si le projet AUTOPROT utilise préférentiellement les données comptables d’un grand nombre de fermes alors que le projet PROTECOW valorise plutôt des données collectées directement en ferme, l’objectif poursuivit reste le même : améliorer l’autonomie et l’efficience alimentaire pour des fermes laitières encore plus durables.

Après une présentation générale des partenaires et des objectifs de chaque projet, les discussions techniques se sont articulées autour de 3 axes de recherche communs : l’évaluation de l’autonomie, son intérêt pour l’environnement et son impact sur la rentabilité économique des exploitations.

Quels sont les niveaux d’autonomie des exploitations laitières ?
Le projet AUTOPROT a mené une large réflexion sur l’évaluation de l’autonomie protéique à partir des données disponibles dans les comptabilités agricoles. Le projet propose deux méthodes de calcul, sur base des protéines ingérées (quantités ingérées et composition des aliments produits et achetés) et sur base des protéines valorisées (besoins réels en protéines du troupeau). Quel que soit le mode de calcul, les résultats montrent un impact considérable du type de fermes (bio, extensive-herbe, intensive-herbe, intensive-maïs, semi-intensive maïs, polyculture…) sur l’autonomie, avec une plus grande autonomie protéique dans les fermes bio et les fermes extensives valorisant un maximum d’herbe dans leur ration.

Dans le cadre du projet PROTECOW, les autonomies massique, protéique et énergétique des fermes laitières ont été calculées à partir de la composition de plus de 1000 rations en France et 600 rations en Flandre. Si l’autonomie protéique des rations est proche de 45% dans les deux régions, les exploitations françaises ont des autonomies massique (71 vs 66%) et énergétique (69 vs 63%) supérieures à celles de Flandre en raison, notamment, d’une plus grande part de maïs et d’un moindre recours à des concentrés. Ces résultats illustrent des pratiques alimentaires différentes entre les régions et mettent en avant des leviers d’amélioration importants pour les éleveurs des zones transfrontalières.
 
Améliorer son autonomie, un atout pour l’environnement ?
Le projet AUTOPROT a étudié les flux d’azote au niveau des exploitations laitières et montrent de grandes différences selon le type d’exploitation. Comme les aliments achetés et les engrais représentent la majeure partie de l’azote entrant dans l’exploitation, les fermes bio (plus autonomes en intrants) rejettent moins d’azote dans l’environnement. Ceci est vrai aussi bien lorsque les résultats sont exprimés par hectare que par litre de lait standard produit. Selon cette étude, rechercher une meilleure autonomie protéique est donc intéressant pour limiter les rejets d’azote dans l’environnement. 

Pour l’axe environnemental, le projet PROTECOW a comparé deux rations équilibrées en remplaçant le tourteau de soja (2,2 kg/vache/jour) d’une ration ‘témoin’ par du tourteau de colza (3,0 kg/vache/j) supplémenté en lysine digestible dans une ration ‘test’. Les résultats montrent que la production de lait standard était similaire pour les deux rations (31 kg/j/vache), avec une légère augmentation de la production de protéines et une baisse du taux d’urée avec la ration colza. Pour un coût alimentaire identique, la ration colza a permis de limiter légèrement les émissions d’ammoniaque alors qu’elle a réduit l’empreinte carbone du lait de 16% (1,07 vs 1,28 kg CO2 eq/kg lait) par rapport à la ration ‘soja’. Il existe donc bien des solutions techniques pour réduire l’impact environnemental sans générer un coût supplémentaire pour l’éleveur.
 
Une meilleure autonomie, une force en terme de rentabilité économique ?
L’analyse économique effectuée dans le projet AUTOPROT prend en compte l’ensemble des coûts liés à la production laitière (aliments achetés et produits, bétail, amortissement, main d’œuvre…) et les revenus des producteurs de 4 régions (Luxembourg, Lorraine, Rhénanie et Liège). Elle montre que les coûts alimentaires représentent 65% des coûts de production. Les variabilités dans les coûts de production et le prix du lait génèrent toutefois une grande disparité de revenus entre les régions et les types de fermes. De manière générale, les exploitations achetant peu de concentré ont de moindres frais alimentaires et une meilleure autonomie protéique. Une haute productivité de protéines à l’hectare est un autre élément important pour limiter les coûts alimentaires. Une haute productivité à l’hectare associée à une autonomie protéique élevée est dès lors un bon moyen d’améliorer la rentabilité des exploitations.

Dans le cadre du projet PROTECOW, les marges brutes des 18 exploitations suivies dans les 3 régions ont été calculées de 2017 à 2020. Les résultats montrent une amélioration de l’efficience économique (marge brute rapportée aux 1000 litres de lait) et de l’efficience du système fourrager (marge brute rapportée à l’hectare de superficie fourragère principale) pour les éleveurs des 3 régions au cours des 4 années du projet. Par ailleurs, l’écart de marge brute entre les producteurs les plus performants et les autres s’est réduit considérablement au fil du temps. Ce résultat est le fruit des groupes de discussion et du partage d’expérience entre les éleveurs, qui ont mis en place des mesures spécifiques visant à optimiser la valeur nutritionnelle de leurs fourrages et à réduire les quantités de concentré afin d’en maximiser l’efficience. Améliorer l’autonomie en actionnant les bons leviers permet donc de limiter les coûts liés à l’alimentation du bétail. 
 
La journée d’étude s’est terminée par deux exposés plus spécifiques à chaque projet. Le projet AUTOPROT a permis d’illustrer tout l’intérêt de l’analyse multicritère afin de mettre en évidence les relations multiples entre l’autonomie, les aspects économiques, les aspects environnementaux et les performances zootechniques. L’autonomie protéique est ainsi corrélée négativement à l’intensification et à la quantité de concentré utilisé. Elle permet de limiter les pertes d’azote dans l’environnement et la pollution des eaux de surface. Elle est corrélée positivement au pourcentage d’herbe dans la ration et apparait comme une stratégie profitable en termes de durabilité pour autant qu’un certain niveau de productivité soit atteint.

Pour la dernière présentation, le projet PROTECOW a souhaité présenter la diversité de ses actions de communication, qui sont de première importance dans le cadre des projets interreg. Site internet, facebook, fiches solutions, diaporamas commentés, chaîne Youtube, articles dans la presse agricole, conférences, congrès scientifiques, coins de champs, webinaires, présentations du projet à la télévision et à la radio, dans les médias locaux et nationaux... de très nombreuses voies de communication sont utilisées afin de faire vivre le projet au jour le jour et permettre de continuer à alimenter les débats par la suite. L’importance d’une personne attitrée à cette tâche de communication est essentielle pour toucher le plus grand nombre de producteurs et leur faire bénéficier des avancées de la recherche.
 
 
En conclusion
Malgré des méthodologies très différentes, les projets AUTOPROT et PROTECOW s’accordent pour montrer l’intérêt pour les éleveurs laitiers de valoriser au mieux les ressources autoproduites sur l’exploitation et d’atteindre un certain degré d’autonomie protéique et alimentaire. Les achats d’intrants (engrais et aliments) doivent se faire de manière réfléchie en veillant à les valoriser au mieux. Ces recommandations, fondées sur des chiffres relatifs à plusieurs années, représentent la base pour des exploitations laitières économiquement rentables et efficientes d’un point de vue environnemental. 

Les nombreux échanges, questions et interactions entre les partenaires ont été très profitables pour tous, et ceci malgré une réunion rassemblant une trentaine de personnes et tenue en distantiel. Aucun doute qu’ils se poursuivront par la suite…
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Eric Froidmont (CRA-W)

Publicatiedatum / Date de publication 16/11/2020
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